Un accord sans précédent pour lutter contre le réchauffement, dont la vitesse inédite menace la planète de catastrophes climatiques, a été adopté, samedi 12 décembre, à Paris, dans un concert d'applaudissements par 195 pays, après plusieurs années de négociations extrêmement ardues.
"Je ne vois pas d'objection dans la salle (...) je déclare l'accord de Paris pour le climat adopté", a déclaré, très ému, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères et président de la 21e conférence climat de l'Onu, en abattant son maillet sur le pupitre.
Une ovation de plusieurs minutes a alors eu lieu dans la salle, six ans après le fiasco de la COP de Copenhague, qui avait échoué à sceller un tel accord.
L'ambassadrice française Laurence Tubiana, bras droit de Laurent Fabius, a longuement étreint Christina Figueres, la responsable climat à l'Onu, avant que le président François Hollande ne les rejoigne brièvement à la tribune. Sous les vivats de la salle, ils se sont tous pris par la main.
"Historique", un "tournant dans la lutte contre le rechauffement climatique" ou encore "un rayon d’espoir". L’atmosphère était déjà au triomphalisme dans les allées du Bourget, quelques heures plus tôt, alors que la COP21 touchait à sa fin, samedi après-midi. Les politiques, les délégués rencontrés sur place et même les ONG soulignent tous la portée sans précédent d’un texte qui engage juridiquement 195 pays.
Mais il y a de l’eau dans le vin de la victoire dès que l’on gratte un peu sous la surface des 31 pages du document final. Beaucoup d’obligations sont rédigées de telle sorte "[qu']il faut voir comment les États appliquent ce texte au niveau national avant de se réjouir", affirme Tim Gore, un responsable d’Oxfam. Explication des engagements pris.
L’objectif de 1,5 °C
Le préambule à l’accord souligne, pour la première fois dans l’histoire des COP, l’objectif à plus long terme de "limiter la hausse des températures à 1,5 °C", même si le but premier est de rester sous les 2 °C. Cette inclusion est la grande surprise de la COP21, et peut être vue comme "la victoire morale des pays les plus vulnérable", estime Tim Gore.
Problème : "Le reste du texte n’est pas conforme à l’objectif d’une hausse maximum de 1,5 °C", estime Mohamed Adow, de l’ONG Christian Aid. Il n’y a, d’après lui, pas suffisamment d’engagements à court terme pour y parvenir. Il n'y a ainsi rien sur la décarbonisation ou le développement des énergies renouvelables,
Le volet financier
"Ceux qui parlent de victoire au sujet de cet accord devraient lire plus en détail la partie concernant la finance”, assure Brandon Wu, conseiller pour l’ONG Action Aid. Le texte final est selon lui "moins bon à ce sujet que le projet précédent".
Le texte se contente de prévoir une éventuelle hausse des montants versés aux pays pauvres, faisant des 100 milliards, promis en 2009, un simple "plancher". Les pays riches pourront relever ce "plancher", mais ils n’y sont pas obligés.
Le retour des droits de l’Homme
Le texte final fait référence aux "obligations en terme de protection des droits de l’Homme" dans son préambule. C’est une victoire car, ce rappel avait disparu dans la version précédente de l’accord.
Cela donne une "certaine base juridique" pour défendre les droits de ceux qui ont été victimes d’abus dans des conflits environnementaux, comme lors de la déforestation illégale, assure Teresa Anderson, spécialiste de la question pour Action Aid. Elle regrette cependant que les droits de l’Homme soient cantonnés au préambule. "Si la référence était présente dans l’accord lui-même, il y aurait une obligation légale plus forte d’en tenir compte", commente-t-elle.
L’adaptation
Il s’agit de l’aide apportée par les États "riches" aux pays les plus touchés par les changements climatiques pour y faire face. Un article entier est consacré aux obligations des pays développés. Elles sont, d’abord, d’ordre financier. L’accord souligne en effet qu'une partie du fonds vert (les 100 milliards de dollars par an à partir de 2020) doit être consacrée à cette question.
Mais la formulation est décevante : les pays les plus pauvres voulaient que 50 % de l’argent soit alloué à l’adaptation et 50 % aux efforts de réduction des émissions. Les pays développés ont obtenu qu’aucun objectif chiffré ne soit écrit noir sur blanc. Un flou qui a fait dire à plusieurs ONG que la voix des plus pauvres n’a pas été réellement entendue.
Il est aussi question des transferts de technologie pour mieux lutter contre les conséquences du rechauffement climatique. Un article entier organise un mécanisme permettant aux pays développés de faire bénéficier aux plus démunis des innovations technologiques.
La révision des engagements
Les promesses de réduction des émissions faites par les parties prenantes à l’accord avant le début de la COP21 ne suffisent pas à rester sous la barre d’une hausse de 2 °C des températures en 2100. Il fallait donc prévoir un mécanisme pour y remédier. Le texte met en place un système de révision périodique des engagements (tous les cinq ans).
C’est une bonne chose, car certains pays ne voulaient pas en entendre parler, comme les puissances pétrolières. Mais les premières révisions obligatoires à la hausse des engagements n’ont pas à être faites avant 2024. "C’est trop tard", assure la Fondation Hulot qui, comme d’autres ONG et pays "pauvres", veut que le processus de révision débute en 2018. Attendre 2024, d’après eux, condamne la planète à dépasser une hausse de 1,5 °C des températures.
Les pertes et dommages
"C’est la première fois qu’un accord sur le climat comporte un paragraphe entier sur la reconnaissance des pertes et dommages", s’enthousiasme un délégué des Comorres contacté par France 24. Il s’agit de reconnaître que la pollution causée par les pays développés a eu des répercussions irréversibles sur certains territoires. Cela peut donner entraîner la reconnaissance internationale du statut de réfugié climatique par exemple.
“C’est une bonne chose en apparence, mais le texte lui-même est plutôt décevant sur ce point", regrette Gerry Arrances, coordinateur du Mouvement philippin pour la justice climatique. L’article qui traite de cette question exclut, en effet, de pouvoir engager la responsabilité d’un État pollueur et de lui réclamer réparation. "Les États-Unis n’en voulait absolument pas et il est difficile de se battre contre eux”, reconnaît cet activiste.
Plus de transparence
Les Etats s’engagent à faire un point tous les deux ans sur les progrès réalisés pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. C'est une manière de faire pression sur les pays qui n'apparaissaient pas dans le texte.
Le texte, bien qu’imparfait, établit un consensus entre les parties sur la plupart des thèmes soulevés avant le début des négociations. Reste un dernier problème : il ne rentrera en vigueur que si 50 pays le ratifient.
Le vrai test pour l’accord de Paris débute donc au printemps 2016, lorsque le processus de ratification par les parlements nationaux va débuter.